Le projet du gouvernement de transférer à l’Urssaf le recouvrement des cotisations du régime Agirc-Arrco pour les retraites complémentaires suscite l’opposition de tous. Ce plan est censé “simplifier le travail des entreprises” qui n’auraient plus qu’à s’adresser à un seul interlocuteur la réforme a déjà été retardée deux fois. Elle devait initialement entrer en vigueur en 2022et en 2023… et l’exécutif a voté le mois dernier son report à janvier 2024. La demande a été formulée par les députés et, “au moins”, par l’ensemble des partenaires sociaux. Dans une lettre adressée au ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, ils soulignent “les problèmes persistants qui rendent très improbable le passage du plan à la date prévue”.
En direction d’un abandon pur et simple
L’idée même de la réforme suscite des doutes. Les sénateurs ont donc voté contre le 7 novembre à une large majorité de 302 voix contre 28. “Cette modification du recouvrement des cotisations n’est plus justifiable”, a déclaré le sénateur René-Paul Savary LR rapporteur de la branche vieillesse pressenti par La Dépêche. “Il n’y a pas de réel avantage en termes de fonctionnement puisqu’il n’est pas question de mettre en place un système de retraite par points tous azimuts”, explique M. Savary. Il précise également que “l’Agirc-Arrco fonctionne aujourd’hui avec un niveau de fiabilité qui permet d’utiliser chaque cotisation pour débloquer des droits à la retraite. C’est ce qui compte pour les salariés. ”
Un plan d’excédent qui est efficace
De même, à la clôture du mois d’octobre, une dizaine de députés et de sénateurs, de droite comme de gauche, soulignaient dans un article du Journal du Dimanche que “l’Agirc-Arrco a toujours été à l’équilibre, n’a jamais eu de dette d’un seul euro et dispose de plus de 60 milliards de réserves qui contribuent aussi à la sécurité économique de notre pays.
Le régime assure à 13 millions de retraités entre 30 et 60 % de leur retraite. Le Conseil d’administration de l’Agirc-Arrco a rappelé dans une déclaration unanime le 6 octobre “que la gestion des ressources est un élément essentiel pour gérer le programme, et au cours des 75 dernières années, il a prouvé sa fiabilité et son efficacité au profit des entreprises ainsi que des retraités, des employés et des salariés.
Des réformes qui risquent d’affaiblir la réforme des retraites
Dès lors, les partenaires sociaux ne peuvent s’empêcher de faire le lien avec la réforme des retraites proposée par Emmanuel Macron. Selon eux, elle “ne fait pas bon ménage avec un dispositif de transfert qui, dans le même cadre, ne manquera pas de faire douter des intentions des pouvoirs publics en matière de régime additionnel”.
Plus précisément, Brigitte Pisa, vice-présidente du conseil d’administration de l’Agirc-Arrco interrogée par Capital estime le fait que “c’est le plus grand casse de l’histoire” : “On prend l’argent là où il est censé aller pour combler les trous”, estime-t-elle. Dans leur tribune, les législateurs de l’opposition ajoutent qu'”en acceptant la main de 90 milliards d’euros des cotisations de l’Agirc-Arrco l’Etat se donne la capacité de contrôler le patrimoine de 50 millions de Français et de 2 millions d’entreprises”.
La suite et la fin du débat
L’ensemble du budget de la sécurité sociale sera soumis à un vote solennel ce mardi 15 novembre à l’Assemblée nationale. Le gouvernement pourrait décider de réutiliser l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer le projet de loi. Il appartiendra alors au gouvernement de choisir d’ajouter ou non la modification de la collecte des cotisations à l’Agirc-Arrco. “Si j’étais à sa place, je serais intransigeant sur l’idée afin d’offrir une assurance de confiance aux partenaires sociaux. L’intérêt administratif et technique est moins important que les considérations politiques. Le gouvernement a tort de rester dans cette situation”, conclut le sénateur René-Paul Savary.